Scouarnec vs Pélicot : la gauche face à ses doubles standards

Le bruit autour de l’affaire Pélicot et le silence autour de l'affaire Scouarnec révèlent tout. La hiérarchie médiatique, l’indignation sélective des éduqués, et la gauche Soc-Dem qui refuse la critique réelle et la réflexion profonde. Ces Soc-Dem aiment les violences quand elles se réduisent à des symptômes isolés, sans jamais interroger les systèmes, la classe, la race. Ils préfèrent pleurer sur les victimes individuelles plutôt que questionner les fondations du problème.

Un médecin bourgeois violant des enfants pendant des décennies, protégé par les hôpitaux, ses collègues, l’Église et la justice, c’est une chaîne de complicité institutionnelle. Cela demanderait d’interroger des structures, des logiques d’impunité. Mais personne ne veut y toucher. On préfère s’émouvoir d’une victime unique plutôt que de dénoncer un scandale impliquant des centaines d’enfants détruits. Dans ce pays, le droit des enfants est négligé parce qu’on refuse de remettre en cause un ordre fondé sur une violence institutionnelle bien intégrée.

L’affaire Pélicot n’apporte rien de nouveau politiquement. Elle illustre la reproduction de la violence chez les dominés, la misère sociale, la spirale du trauma. Rien que la confirmation que la société peut continuer à fantasmer sur les « monstres pauvres » sans toucher aux notables, aux professions sacrées. Les médias nous disent : regardez Pélicot, c’est vous les gueux, souffrez et restez enchaînés dans votre spirale. Les Soc-Dem, bien sûr, se mobilisent pour ça et s’approprient le récit, parce qu’ils savent que cela ne remet rien en cause.

Les Soc-Dem sont persuadés qu’ils ne se sont jamais trompés. Contrairement à moi qui doute, se remet en question, peut se trouver conne quelques heures, jours, semaines après, réfléchis et tente d'avancer, eux sont toujours sûrs d’eux, alignés dans leur clan. C’est une certitude délirante.

Je me demande ce qui sépare ces Soc-Dem fermés à la contradiction à gauche de Manuel Valls, de son “expliquer c'est déjà excuser”.

Le « féminisme punitif » est réel, mais il faut arrêter de le réduire au féminisme seul, car cette dérive autoritaire, moralisante et répressive traverse une grande partie de la gauche contemporaine, notamment celle terminaly online. Une gauche qui se prétend anticarcérale et antipolice le mardi mais réclame le jeudi des bannissements, humiliations publiques et procès médiatiques expéditifs en 300 caractères.

Ce n’est pas le féminisme qui est fautif mais cette logique punitive qui envahit tous les espaces critiques, transformant les conflits d’idées en affrontements moralisants où la posture remplace la réflexion. L’ennemi est jugé avant même d’être pensé. Ce glissement touche aussi les luttes antiracistes, queer, écologistes. Partout où l’on parle d’oppression, une partie des militants rejoue les logiques qu’elle prétend combattre, produisant silence, peur et paralysie.

Une gauche hantée par elle-même, incapable de penser collectivement la conflictualité, la réparation réelle, qui déserte les terrains sociaux et populaires pour se replier dans l’entre-soi punitif, où l’on se juge entre nous sans rien construire sur la terre brûlée des autres.

Si toute pensée devient suspecte, toute faille une faute et tout désaccord un crime, il ne reste plus rien que l’image de soi comme dernier refuge moral tandis que le reste du monde est abandonné aux fascismes.

Je ne nie pas la nécessité d’une coercition dans une société organisée, mais il faut penser à quel type de coercition et quels effets elle produit. Beaucoup réclament la coercition quand elle vise d’autres groupes mais la refusent quand elle les concerne eux-mêmes. Cette dissonance doit cesser.

Il faut sortir de la posture binaire et imaginer des formes de coercition qui ne reproduisent pas les violences d’État, de justice de classe, permettant une régulation sociale autre que le réformisme de gauche policier. Cette gauche justice/ pénale est devenue une bouée de secours.

Je n’ai rien à foutre de l’affaire Pélicot. Elle n’a rien changé. Elle ne transforme pas les rapports sociaux. C’est un miroir sale où l’on regarde la misère sociale en espérant y voir de la morale. Dire « patriarcat » sans le lier à des structures concrètes est devenu une incantation vide de sens.

Être prédateur n’est pas une identité permanente chez la plupart. Ce sont des actes ponctuels, des failles. C’est essentiel de le penser pour comprendre comment la violence s’inscrit socialement au lieu d’imaginer des monstres autonomes.

En face, il y a les vrais prédateurs à temps plein : les États, les élites, les capitalistes, les planificateurs de la misère globale. Leur violence est froide, continue, rationalisée. Ceux-là, on les interroge beaucoup moins.

La disproportion de l’attention médiatique entre un bourgeois chirurgien agressant sexuellement pendant des décennies des enfants, et un pauvre agresseur isolé est flagrante. La gravité n’est pas naturelle. Le patriarcat n’est pas naturel. Cette gravité est façonnée par un système qui en a besoin. Oui, c’est peut-être ton frère, ton père, ton pote. C’est précisément cela qui devrait nous obliger à penser le système dans sa totalité.

On parle de mecs violant une vieille femme endormie comme si c’était le sommet de leur existence. Qu’est-ce que le procès Pélicot a changé ? Rien.

On regarde ça impuissants, en se racontant que justice a été faite. Mais la vraie justice est encore attendue. On nous vend des procès exemplaires pendant qu’on arme ceux qui détruisent des peuples entiers. Le droit est un champ de ruines. Ceux qui y croient s’accrochent à un fantôme.