Direct AFP
Hier fin d'après-midi. Fenêtres ouvertes, été, monde poreux. Mes voisines discutent. Deux sœurs. Françaises. Arabes. Jeunes trentenaires. Douces, vives. Pas en train de le faire sur les RS, pas dans des postures edgy ou radicales. Mais elles parlent bien du monde, comme souvent quand je les entends.
À un moment, j’en entends une demander à l’autre : « C’est quoi l’AFP ? » L’autre, un peu surprise mais tranquille : « C’est la presse française. » « Mais quelle presse ? » L’échange hésite, flotte, bifurque, puis revient : « Ah oui, je connais. J’avais oublié. C’est français ça ? » « Ben oui, AFP c'est l’Agence France-Presse. »
Ce moment m’a fait keblo quelques secondes, parce que moi, je scrolle cette merde tous les jours. Les dépêches de l’AFP, cet horizon plat de la parole d’État recyclée. Le robinet tiède du faux neutre politique. Je le lis, je le hais, je les trolles, je le connais.
Mais en fait, c’est vrai : c’est pas facile à expliquer, ce qu’est l’AFP. Même moi, j’aurais du mal à le faire brûle pour point. C’est pas juste « la presse française ». C’est pas tout à fait l’État. C’est une mécanique bizarre entre pouvoir, image et récit officiel.
C’est exactement ce que la gauche performative refuse de voir. Ces vies-là. Ces existences qu'ils ont le culot de nommer gens « confus » ou « apolitique ». Hors des normes de reconnaissance politique validées par le capital culturel blanc.
Il faut qu’on en parle franchement. Il y a un mépris rampant dans les sphères terminaly online de gauche. Un mépris qui parle au nom du peuple mais qui fantasme un peuple homogène, stylisé, articulé.
Mais les gens, ce n’est pas un concept. Et ils n’ont pas besoin d’être validés par leurs filtres. Ma grand-mère, qui m'a élevée ; aimante, intelligente, drôle, confondait Las Vegas et Saint-Jean-de-Védas (entre autres). C’est pas une erreur. C’est une géographie intime. Une autre cartographie du monde.
Quand on est en train de disséquer qui pourrait être bien appelé à nos côtés dans la rue pour diverses revendications sociales, c’est juste le peuple, celui auquel nous aussi on appartient, c’est du présent qui parle, même quand ça vous semble flou, même quand c’est bordélique.